Patrimoine scientifique et culturel

Pour améliorer la qualité de la vie quotidienne et faciliter le déroulement des activités commerciales, les Phéniciens, peuple pragmatique, ont adopté des innovations techniques et scientifiques utiles à leurs activités. Pour la navigation par exemple, ils furent les premiers à utiliser l’ancre et à naviguer de nuit en s’orientant grâce à l’étoile polaire. Ils pouvaient ainsi affronter la haute mer avec plus de sérénité. Ils étudièrent également les marées et notèrent leurs remarques dans des journaux de bord. Ils utilisaient tous les instruments de calcul existants utiles pour leurs échanges ainsi que les chiffres et les systèmes de poids et mesure de l’époque. Toutefois, ils furent partisans du troc, préférant cette forme primitive d’échange même quand l’usage de la monnaie avait commencé à se répandre sur les marchés.

Ayant intérêt à développer des activités commerciales, les Phéniciens ont adapté l’écriture, auparavant réservée aux princes et aux hommes compétents, les scribes, aux exigences des marchands. En effet, si l’écriture était déjà connue au Moyen Orient à l’Age du Bronze, en Egypte on trouve les hiéroglyphes, en Asie Mineure, l’écriture cunéiforme, en Crète le linéaire A et le linéaire B, ces types d’écriture étaient trop compliqués pour la vie quotidienne. La révolution simplificatrice a été lancée en Syrie à partir du XIVe siècle av. J.-C. Une écriture facile et rapide naît ainsi, aisément utilisable par les marchands et pratique pour transcrire les différentes langues. C’est à Ougarit qu’un alphabet de 31 lettres fut ainsi inventé, utilisant des caractères cunéiformes ; alors qu’à Byblos, un autre alphabet linéaire de 22 lettres se développa, devenant l’alphabet phénicien. Les Phéniciens l’ont appris aux Grecs qui l’ont adapté à leur langue certainement au VIIIe siècle av. J.-C. (Fernand Braudel)

L’écriture alphabétique des Phéniciens se notait, comme celle des Assyriens et des Sémites, de droite à gauche. Chaque signe représentait un son ou une articulation de leur langue, contrairement aux écritures cunéiforme, faite de lignes diversement agencées, et hiéroglyphique, représentée par des images. (Antonio Brancati)

 

Les Phéniciens possédèrent du IIIème au Ier millénaire le monopole du sel, ressource indispensable pour la conservation du poisson, de la viande et pour le tannage des peaux. Selon certains spécialistes, les Phéniciens auraient inventé la méthode de production du sel : de l’évaporation de l’eau de mer jusqu’à la création des cristaux de sel qui sont ramassés et raffinés. Ils auraient découvert ce phénomène en observant comment le sel se déposait sur les rochers baignés d’eau de mer. Ayant compris le mécanisme, ils ont amélioré l’idée en utilisant le système des vases communicants, encore en usage actuellement. Les marais salants, gardiens de ce trésor, se retrouvent un peu partout en Méditerranée, sur les territoires autrefois occupés par les Phéniciens. En particulier en Sicile, les marais salants, qui s’égrènent lentement sur les côtes de Trapani à Marsala longeant les moulins à vent et de minuscules archipels, sont aujourd’hui le signe évident d’un système productif de quelques 3000 ans.

Le parfait équilibre de ses composants et le contenu élevé de magnésium assurent sapidité et salubrité, et en permettent une consommation inférieure à 35% par jour.

Cette richesse est valorisée à travers un parcours etno-anthropologique consacré au sel, appelé la Route du Sel. (source AAPIT Trapani).

 

Dans le domaine de la pêche, les Phéniciens ont également laissé une tradition significative : la pêche au thon et la mattanza . La mattanza, améliorée par les Arabes (les mots eux-mêmes sont tous d’origine arabe) utilise les routes de migration des thons, contraignant les poissons à entrer dans un piège constitué de filets qui se resserrent pour les faire arriver dans la dernière chambre, appelée chambre de la mort. Les poissons prisonniers sont hissés sur les bateaux dans un désordre d’éclaboussures de sang et d’éclaboussures d’eau de mer.

 

Mais les Phéniciens étaient surtout connus dans l’Antiquité pour leur compétence dans l’art du tissage et en particulier dans la coloration des étoffes, à tel point que les Grecs appelaient ce peuple par le nom d’un de leurs produits les plus caractéristiques, la pourpre. En effet, les tissus, teints d’une inimitable couleur rouge pourpre, étaient tant appréciés qu’ils sont devenus un véritable signe extérieur de richesse et de raffinement.

Le nom de ce colorant semble dériver du mot grec porphyre, la substance est un colorant organique extrait de la sécrétion des mollusques de la famille purpuridae, appartenant au genre dit murex qui se trouve dans toutes les mers chaudes. La partie molle du mollusque est extraite de la coquille (1,5 g de colorant pour 12000 coquilles), elle est ensuite écrasée et mélangée à l’eau de mer. La pâte ainsi obtenue est exposée au soleil pendant trois jours afin de recueillir le liquide. Celui-ci était bouilli dans de l’eau pendant 10 jours dans de grands récipients de plomb jusqu’à être réduit de moitié. Seulement après cette étape, les tissus de lin ou de laine étaient immergés puis mis à sécher à l’air libre pour provoquer l’oxydation qui donnait cette teinte rougeâtre.

Les tissus prenaient des teintes du rose au violet sombre selon les matériaux traités, draps, vêtements ou tapis et tentures.

Le procédé produisait une odeur nauséabonde et c’est pourquoi les bassins de travail étaient situés aux marges des centres urbains. De grands tas de coquilles sont encore visibles près des cités phéniciennes.

Tyr en particulier jouissait d’une solide réputation pour cette activité, comme en témoigne Pline : « la meilleure pourpre d’Asie se trouve à Tyr » (Hist. Nat., IX, 60, 127). Strabon, qui visita la cité au temps d’Auguste, nous donne la même indication : « … en effet la pourpre de Tyr s’est démontrée être la meilleure de toutes ; les mollusques sont récoltés près de la rive et tout ce qui est nécessaire à la fabrication est facilement trouvable. C’est pourquoi le grand nombre de laboratoire de travail de la pourpre rend la ville peu agréable à vivre, mais l’a également rendue extrêmement prospère, grâce à la suprême habilité de ses habitants. »

Librement extrait de : Federico Mazza, L’immagine dei Fenici nel mondo antico: AA.VV., I Fenici, Milano: Bompiani,